La Ville de Bruxelles nomme une rue d’après une avocate des droits des femmes, mère de l’Europe sociale : Eliane Vogel-Polsky

Dans le cadre d’un nouveau projet de développement urbain, trois nouvelles rues verront le jour à la frontière de Jette et Laeken, entre les rues Emile Delva et Steyls. Qui dit nouvelles rues, dit nouvelles dénominations de rues. La Ville de Bruxelles a choisi cette fois de mettre à l’honneur une femme d’envergure : Eliane Vogel-Polsky aura une rue à son nom à côté de la rue de l’Émancipation et de la rue de l’Égalité des Droits.

Eliane qui ?

Le nom d’Eliane Vogel-Polsky ne vous évoque peut-être pas encore grand chose. Une rapide recherche en ligne vous permettra de découvrir à quel point son influence a été grande. Toute sa vie, Eliane s’est engagée pour la défense des femmes et des travailleuses.

Née à Gand en 1926, Eliane Vogel-Polsky s’installe très jeune à Bruxelles et effectue sa scolarité au Lycée Émile Jacqmain. En 1950, elle est diplômée de la Faculté de Droits de l’ULB. Elle se spécialise principalement dans le droit social et le droit européen, un choix déterminant pour la suite de sa carrière. À cette époque, elle fréquente un grand nombre d’intellectuels et artistes qui ont pour habitude de se retrouver au café La Fleur en Papier Doré dans le centre-ville.

C’est durant ses études qu’Eliane est confrontée au traitement inégalitaire des femmes dans le monde du travail. Au début des années 60, elle réalise plusieurs enquêtes sur les conditions des travailleuses et travailleurs. Dans ses rapports, elle décrit un « véritable refus de la société d’intégrer les filles dans un processus d’éducation et de formation identiques à celui des garçons et de leur ouvrir les mêmes possibilités de choix professionnel ». Ses recherches nourrissent son engagement et sa volonté de combattre les inégalités et discriminations que subissent les femmes quotidiennement. Elle se met activement à la recherche d’un cas juridique qu’elle peut défendre devant la Cour Européenne de Justice mais en vain. De nombreuses travailleuses craignaient en effet de perdre leur travail.

L’arrêté Defrenne contre la Sabena

Sur base de l’article 119 du Traité de Rome, qui prévoit le principe de l’égalité de rémunération entre les travailleuses et travailleurs pour le même travail, Eliane rapporte en 1976 une affaire devant la Cour Européenne de Justice : l’affaire Defrenne contre Sabena. La plainte porte sur une inégalité de pensions entre les hommes et les femmes. Elles étaient licenciées dès 40 ans et ne pouvaient pas bénéficier d’une pension. C’est grâce à cet arrêté que la Cour a reconnu que l’article 119 créait un droit individuel qui peut directement être invoqué devant les tribunaux de n’importe quel État membre de l’UE. Les individus peuvent exiger le respect de cet article non seulement par les États et les pouvoirs publics, mais également dans toute convention collective ou tout contrat privé. Les arrêts Defrenne sont aujourd’hui des arrêts forts en symbolique, et constitutifs du droit européen et de sa jurisprudence. Eliane Vogel-Polsky fait partie de ces femmes qui ont participé à la construction de l’Europe sociale.

Plus de femmes en rue

Avec le hashtag #meervrouwopstraat (« plus de femmes en rue »), la Ville de Bruxelles lançait en ce début d’année avec Sofie Lemaire, un appel aux Bruxellois pour trouver des récits de femmes héroïques qui méritent d’avoir leur nom dans l’espace public.

Khalid Zian,
Échevin de l’Egalité des chances de la Ville de Bruxelles (PS)

Cette liste, ainsi que celle déjà dressée dans notre Plan d’action pour l’Egalité entre les femmes et les hommes, sont des outils qui nous aident à poursuivre notre objectif de féminisation de l’espace public bruxellois, à l’instar de cette nouvelle dénomination. 

De toutes les rues de la Ville de Bruxelles ayant un nom de personne, on compte 85% de noms de voiries masculins contre 15% de noms féminins. Une des femmes qui a été mise en avant est Eliane Vogel-Polsky.

L’initiative est soutenue par l’institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes qui avait publié en 2007 un livre sur son travail. 

Liesbet Stevens,
Directrice adjointe de l’institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes

Les noms de rues rendent hommage aux personnes qui ont contribué à la société. Il y a tant de femmes qui ont accompli des choses incroyables. Il est donc essentiel que l’espace public leur accorde plus d’attention. C’est bien l’ambition de cette initiative qui rend à Eliane Vogel-Polsky toute la reconnaissance qu’elle mérite. 

Ans Persoons (Change.Brussels),
Échevine de l’Urbanisme, en charge de la dénomination des voiries 

Le choix de donner une place dans l’espace public à Eliane Vogel-Polsky a été rapide. Sa rue nous rappelle la lutte pour des droits que nous considérons comme évidents aujourd’hui, mais elle nous rappelle aussi que cette lutte n’est pas encore gagnée. 

D’après les dernières données d’Eurostat, qui datent de 2015, les femmes en Europe gagnent un salaire d’environ 16,3% plus bas que celui des hommes, et cela, pour le même travail accompli. Ces chiffres démontrent que nous - la société - avons encore du travail à accomplir.

Ans Persoons

Avec la rue Eliane Vogel-Polsky, la rue de l’Émancipation et la rue de l’Égalité des Droits, nous ne rendons pas seulement hommage à Eliane et son engagement pour un salaire égal, mais aussi à chaque femme et à chaque homme qui, à un moment donné, ont élevé leur voix pour défendre l’égalité, que ce soit dans la rue ou devant un tribunal. 

 

Sources 

 

 

Image: © Collection Privée
Eliane Vogel-Polsky, milieu des années '60 

À propos de Ans Persoons

Secrétaire d'Etat à la Région de Bruxelles-Capitale, chargée de l'Urbanisme et du Patrimoine, des Relations européennes et internationales, du Commerce extérieur et de la Lutte contre l'incendie et l'aide médicale urgente

Membre du Collège de la VGC Culture, Jeunesse, Sport, Vivre ensemble dans la diversité

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