Le bureau et l’appartement personnel de l’architecte Simone Guillissen-Hoa, l’une des premières femmes architectes de Belgique, est désormais classé.
Ans Persoons, Secrétaire d’État bruxelloise à l’Urbanisme et au Patrimoine annonce le classement comme monument de plusieurs parties de l’immeuble comprenant le bureau et l’appartement personnel de l’architecte Simone Guillissen-Hoa sis rue Langeveld 21 à Uccle. Promotrice de l'architecture moderniste, Simone Guillissen-Hoa a été l'une des premières femmes à créer son propre bureau d'architecture en Belgique. Sa carrière et sa vie personnelle ont constamment défié les limites et les conventions liées au genre, aux origines et à la religion. Via le classement de cet immeuble, le Gouvernement bruxellois reconnaît et consacre désormais la haute valeur patrimoniale de ce site en raison de son intérêt historique et sa conception unique, qui comprend par ailleurs les aménagements intérieurs non modifiés d’origine et le mobilier qu’elle a conçu.
" Longtemps reléguée dans l’ombre d’architectes masculins et invisibilisée dans l’Histoire de l’architecture, Simone Guillissen-Hoa retrouve enfin en 2024, via ce classement et l’exposition qui lui est consacrée au CIVA, la lumière. Figure de la résistance, pionnière dans la défense des droits des femmes et des femmes architectes, Simone Guillissen-Hoa a marqué de son talent notre histoire collective. Sa contribution à l’architecture moderniste est aujourd’hui enfin reconnue à sa juste valeur. " déclare Ans Persoons, Secrétaire d’État bruxelloise à l’Urbanisme et au Patrimoine.
Rue Langeveld 21, ULB © urban.brussels, 2022
Rue Langeveld 21, plan du 4ième étage avec l'appartement et le bureau de l'architecte, ACU/Urb. 16-22958 (1962)
Classement de l’appartement personnel de l’architecte Simone Guillissen-Hoa
L’immeuble à appartements du 21 rue Langeveld à Uccle est conçu par Simone Guillissen-Hoa en 1962-1963. Celui-ci abrite l’habitation personnelle et le bureau de Simone Guillissen-Hoa qui se caractérise par la qualité de ses lignes architecturales et la finesse de ses détails.
La façade avant se définit par des lignes horizontales fortes soulignant une composition organique. L’ensemble forme une composition abstraite élégante et raffinée représentative du style architectural de Simone Guillissen-Hoa.
La qualité de l’architecture de Simone Guillissen-Hoa se reflète également très bien dans la conception des plans des différents appartements, conçus de manière modulaires afin de s’adapter aux besoins de chaque commanditaire.
De même, son appartement personnel témoigne du talent de Simone Guillissen-Hoa. Il met en valeur la lumière naturelle qui pénètre partout, jusque dans les endroits les plus centraux par un astucieux jeu de volumes et de matériaux. La circulation entre les différents espaces se fait de manière extrêmement fluide et ingénieuse. Bien que l’appartement et le bureau communiquent entre eux, une double entrée permet un accès public vers l’espace professionnel et un accès privé vers l’appartement, séparant ainsi distinctement les fonctions.
Enfin, l’appartement est conçu comme un tout puisque les meubles ont également été dessinés par l’architecte. Ceux-ci, encore présents sur place, participent clairement à l’aménagement puisqu’ils s’intègrent subtilement dans l’espace tout en permettant suffisamment de rangement afin de le pas encombrer les lieux de vie.
« Le classement de ce premier bâtiment de Simone Guillissen-Hoa signé en son nom propre* est une belle victoire pour le p•matrimoine bruxellois. Il ouvre la voie vers la (re)découverte riche et la sauvegarde urgente de l’héritage de cette architecte moderniste et de ses contemporain•es. » déclare Apolline Vrancken, architecte & chercheuse doctorante FNRS au sein de la Faculté d'architecture La Cambre-Horta ULB / Spécialiste des questions de rapport de genre dans l’espace et d’égalité urbaine.
Redécouverte d’une femme architecte invisibilisée et de son incroyable contribution à l’architecture belge
Simone Guillissen-Hoa naît en 1916 à Pékin. Elle effectue ses études d’architecture en Belgique et intègre La Cambre dont elle finit par être la quatrième femme diplômée en 1938. Elle est toutefois probablement la première femme à réellement exercer le métier. Elle collabore brièvement avec Jacques Dupuis et conçoit en solo plusieurs chefs-d’œuvre dont le centre sportif de Jambes, la Villa La Quinta à Court-Saint-Etienne ou encore la Maison de la culture à Tournai.
Sa vie a traversé les événements majeurs du XXe siècle, des prémices de la Révolution chinoise à la Reconstruction d'après-guerre, en passant par la Résistance en Belgique occupée. Dans les années 1950, elle a été membre de l'association Soroptimist, une organisation de défense des droits des femmes, et dans les années 1970, elle a participé à la création de l'Union Internationale des Femmes Architectes.
Son style architectural caractérisé par un modernisme organique articulé par une logique spatiale rigoureuse et des lignes sobres en font probablement l’une des figures principales du modernisme belge.
Le CIVA consacre actuellement une première exposition monographique consacrée à la vie, à l'œuvre et à l'héritage de l'architecte belge d'origine chinoise Simone Guillissen-Hoa (1916-1996).
*Jusqu’à ce jour, seules trois réalisations de SGH, toutes co-signées avec Jacques Dupuis, étaient classées (De Greef, 1953 ; Durieu, 1954 ; Steenhout, 1953). Les mécanismes de genre à l’œuvre dans la réception et l’accès (ou non) à la postérité des architectes femmes sont manifestes. Paradoxalement, les collaborateurs masculins sont ici tout à la fois vecteurs de visibilisation mais aussi - et surtout - d’invisibilisation …